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SFX
Le métier d'assistant opérateur
Interview de Steve Moreau

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Doublure lumière de Thierry Lhermitte, stagiaire vidéo et assistant personnel du directeur de la photographie Luciano Tovoli (AIC) sur "LE DINER DE CONS", il est passé depuis second assistant caméra sur "LE PACTE DES LOUPS" et "LE PLACARD". Il vient de terminer "MA FEMME S'APPELLE MAURICE" de Jean-Marie Poiré.

Vous revenez avec un nouveau court-métrage Apnea alors que la dernière fois vous aviez réalisé une bande annonce pour un long-métrage The Earth . Que s’est il passé ?

Effectivement, ce n’était pas vraiment prévu. Lorsque j’ai organisé la projection de mes trois précédents courts métrages et de la bande annonce de The Earth au Planète Hollywood, je travaillais en même temps comme assistant opérateur sur le nouveau film de Francis Veber Tais Toi . Pendant le tournage du film Tais Toi j’ai été contacté par un producteur Canadien Luc Laperrière, qui a entendu parler de mes films et de moi. Il m’a demandé de les voir. Je lui ai présenté mon travail qu’ il a vraiment beaucoup apprécié. Sur ce, iI m’a alors proposé de rencontrer un compositeur de musique à Paris qu’il produit, (dont le premier single sort à la rentrée) Jérome Gauthier. Pour tester notre éventuelle entente je leur ai proposé de faire un film, donc un court métrage, histoire de pouvoir nous rendre compte si sur un projet plus ambitieux nous pouvions nous associer.

C’est de là qu’est partie Apnea ?

Oui, tout à fait. J’ai écrit le scénario en février, je l’ai fait lire à Jérome et à Luc qui ont dit oui et puis j’ai immédiatement lancé la production du film. Je terminais à peine le Veber qui ne m’occupait pas tous les jours. Les jours de repos je réalisais Apnea et c’est ainsi que fin mars le film était en boîte. La copie est sortie du four de chez Eclair début juillet.

De quoi parle le film ?

Il raconte l’histoire d’un homme qui laisse vaquer son imagination sur les différents éléments qui nous entourent. Il écoute de la musique et son esprit se promène au milieu de notre société. Tout cela le temps d’une apnée physique et mentale. Car je trouve que nous vivons dans un monde où il devient de plus en plus difficile de trouver de l’air pur, autant au sens figuré qu’au sens propre. Tout est de plus en plus rapide, les moyens de transports vont de plus en plus vite, les gens courent, les sociétés sont obsédées par la productivité, la consom- mation, etc…

Votre film parle du parallèle entre la nature et la technologie, il semblerait que ces élements vous interpellent ?

Bien sûr. En fait, en vieillissant, l’expérience de la vie alliée aux expériences professionnelles me font beaucoup réfléchir. Alors lorsque je réalise un court métrage ou lorsque j’écris une histoire j’essaie de me trouver des raisons valables de me battre pour faire exister le film. Je n’arrive pas à concevoir un film juste dans la seule optique de me vendre comme réalisateur dans des sociétés de pub, de clip ou juste pour le fun. Je n’y arrive pas, je ne veux pas tricher et je refuse de passer pour ce que je ne suis pas. J’ai des éléments moteurs comme notre rapport à la vie, à la nature, à la technologie, à l’homme et la femme, etc. J’essaie de trouver un compromis entre mes interrogations sur notre monde et entre ma passion pour le cinéma et le grand écran. Quelle histoire je pourrais raconter en cinémascope, avec une grue, avec des acteurs, avec un morceau de Mozart, une bande son riche, une très belle photo, des rires, des larmes et surtout de l’émotion ! Voilà ma vision de faire du cinéma… si la vie me permets de continuer. Je veux croire en cela et non pas au seul fait que cela alimente une industrie. Si l’on peut composer avec les deux éléments c’est parfait sinon autant aller vendre des aspirateurs !!!

Dans votre film qui dure 4 minutes il y a de l’hélico miniature, de la caméra à la main, de la grue de 15 m, le film est en scope, beaucoup de technique?

Vous savez, j’ai conçu le film comme l’esprit d’un homme qui erre et pour moi la plus grosse partie du film a été de filmer avec BIRDY FLY l’hélico de Frédéric Jacquemin qui est un instrument formidable. Il faut juste avoir une vraie raison d’utiliser cet appareil et non pas juste pour le fun, à mon avis. Donc, pour refléter l’esprit d’un homme avec Birdy Fly c’était parfait car je pouvais obtenir quelque chose à la fois de fluide et qui bouge légèrement. Les problèmes de direction de vent et autres turbulences qui peuvent apparaître comme un «handicap» pour ce système, correspondaient finalement très bien à ce que je recherchais pour le sujet du film. D’ailleurs, souvent Frédéric me disait qu’il pouvait faire des plans encore plus stables, mais moi, lorsque je cadrais, je faisais le maximum pour que cela ne soit pas comme sur une Wescam, c’est à dire parfait, sinon quel intérêt.

Et pour ce qui concerne la supertechnocrane de 50 pieds ?

La raison est la suivante. Karen Bonnesseur et Jean-Marie Lavanou de LOUMASYSTEMS ont entendu dire que je préparais un nouveau court métrage. Je devais tourner la fin de mon film dans le Parc Monceau dans le 8e et je ne pouvais pas obtenir les autorisations de tournage si je tournais avec un objet volant. C’est là que Karen, Jean-Marie et Nicolas ont proposé de m’aider en remplaçant l’hélico de Fred par la supertechnocrane de 50. Il fallait pour cela que la grue soit très haute pour faire le raccord, plus bas ; cela n’aurait pas fonctionné. Elle va jusqu’à 15 m de hauteur avec un bras télescopique. Quand Eric, le technicien, a commencé à allonger le bras on se demandait tous quand est ce qu’il allait s’arrêter. C’est immense. Au départ avec Karen, Jean-Marie et Nicolas nous voulions utiliser la grue Lakela mais pour une raison en rapport avec l’histoire la Supertechnocrane était la plus appropriée. C’est un engin fabuleux. Moi j’étais aux anges de voir la beauté de cette machine et de voir sa fluidité et les plans que l’on peut obtenir avec. J’ai récupéré mon copain David Campbell qui était déjà cadreur à la grue sur mon dernier court métrage Eternity , mon ami Alain Herpe à la lumière et Adrien Debackere comme assistant. Yvon sausseau et son équipe à la machinerie et Eric Sacher à la grue et c’était parfait pour l’équipe caméra. Ensuite j’ai fait les plans sur le toit d’une voiture dans Paris, avec ma caméra préférée L’Arri 2C que j’adore, pendant que Marianne conduisait. Chez TECHNOVISION mes fidèles compagnons de route ont arrangé le matériel afin que je puisse tourner seul avec le minimum de choses pour aller au plus vite. Et maintenant, lorsque je vois le film monté je ne vois pas la différence. Ces trois principaux éléments pour finalement raconter une seule chose se marient très bien. C’est magique le cinéma, vraiment magique ! Mais si mon sujet ne méritait pas ces différents jouets jamais je ne me serais permis de les utiliser. Il faut servir le film et non pas son propre ego. LE FILM d’abord et ensuite encore LE FILM.

Donc la technique au service de l’histoire ?

Mais c’est obligé. La seule chose qui me passionne est l’émotion que procure un film ; une image, un regard, une lumière, un son, une musique. Après, de savoir comment l’obtenir, oui… mon métier d’apprenti cinéaste m’interpelle et m’oblige à cogiter sur quels outils il faut pour obtenir cette émotion. Aujourd’hui on parle beaucoup du débat argentique contre numérique. Pour moi ce n’est qu’une guerre industrielle. Si le film est bon on s’en fout qu’il soit tourné en vidéo ou en film. La seule chose que je remarque c’est que beaucoup plus de films sont tout de même plus soignés et mieux réalisés quand ils sont sur pellicule. Et encore une fois, beaucoup de personnes choisissent l’une des deux solutions pour une question économique et je crois que c’est simplement en fonction de l’histoire et du propos que l’on veut défendre qu’il faut faire un choix. C’est un outil, autant qu’une grue ou un stead. Et pour la photographie c’est identique. Vous voyiez beaucoup de photographes vont au numérique parce que les agences s’y mettent les unes après les autres et puis, le week end, quand ils veulent faire des photos perso ils ressortent l’argentique, pour le plaisir. Franchement, ce qui m’intéresse avant tout ; c’est le cinéma. Faire du cinéma. Pas un téléfilm pour le cinéma mais réaliser un film qui arrive à tout conjuguer et faire avancer la grammaire cinématographique. Un ovni qui sort des sentiers battus et dont le réalisateur maîtrise totalement la technique et son propos. Le rêve quoi !!!

Oui , il y en a eu en septembre 2003.

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